Carnets Ouverts

Partez à la découverte d’aventures familiales au travers de recherches généalogiques…

A chaque fois, une histoire et une quête de sens pleine d’émotions !

Marianne ou le Bleu de Bretagne

Marianne ou le Bleu de Bretagne

Elle s’appelait Marianne. Elle rêvait d’écrire sa biographie et disait : « j’ai rencontré beaucoup de gens dans ma vie, illustres ou non. Beaucoup ont disparu sans laisser de traces écrites. Je souhaite laisser un livre à mes descendants pour qu’ils sachent la petite fille que j’étais et la femme que je suis devenue ». Elle souhaitait remercier la vie, partager les rencontres du hasard, celles qui permettent de faire des choix à la croisée des chemins.

En mai 2018, sa fille me contacte pour ce projet. Elle souhaite offrir à sa maman un livret bio-généalogique pour ses 80 ans. Elle veut que je recueille son témoignage afin de rédiger son histoire et la compléter avec des éléments généalogiques.

Je prends contact avec Marianne, nous convenons de rendez-vous journaliers de quatre heures. Je me déplace en Bretagne, dans son village proche de Daoulas, près de Brest pour la rencontrer durant une semaine.

Chaque matin, à 8h, j’entre dans la cour de la ferme. Un chat, parfois deux, sont sur l’appui de fenêtre. Elle m’accueille en souriant, me sert un café, me propose une madeleine. Elle déjeune pendant que je prends ma collation. C’est son second repas car elle se lève à cinq heures tous les matins. Je branche l’enregistreur, je prépare le stylo pour les notes. Elle me demande souvent de lui rappeler où nous en sommes dans le récit ou m’interpelle en riant pour me raconter une anecdote qui lui est revenue. La boite à photos posée sur la table lui permet de se souvenir de chaque visage, de chaque nom, de chaque date. Sa mémoire est incroyable. Elle évoque son enfance, sa famille, son travail à la ferme, ses voyages. Elle m’interroge sur des questions sociétales, et me raconte ce qu’elle comprend du monde actuel. Elle parle de ses joies, de ses espoirs de jeune fille, de ses rêves de réussir. Elle souhaitait être soignante, le destin en a décidé autrement : elle gèrera plusieurs fermes dont celle de ses beaux-parents. Elle parle de sa blessure d’enfance avec pudeur, comme d’un fardeau lourd à porter, mais qu’elle sait indispensable à déposer devant moi. Peut-être parce que nos blessures et nos résiliences se connectent, elle parle facilement et profondément de ses émotions et de ses regrets, de ce gouffre qui s’est ouvert devant elle quand sa maman est décédée alors qu’elle avait sept ans : peurs, solitude, angoisses et silences font alors partie du paquet qu’elle doit porter en laissant croire qu’elle a la force de soulever ce balluchon.

La vie de Marianne est une succession de marches en avant. Elle arrive dans une famille où elle est choyée par ses parents et par sa petite sœur. La valeur du travail a tout son sens, il faut nourrir les hommes et les bêtes.

Un jour de 1954, elle a l’autorisation de son père pour se rendre en train à Quimper. Ce premier voyage la marque à jamais et lui permet d’ouvrir sa vision du monde.

Quelques années plus tard, dans un bal, elle croise la route de son mari. Il suffit de regarder leur photo de mariage pour voir que le bonheur les inonde. A eux deux, avec leurs forts caractères et leurs déterminations, ils relèvent les défis, et avancent ensemble sur le chemin de l’innovation agricole.

En 1970, ils reprennent ensemble la ferme familiale en difficulté pour la faire prospérer dans l’élevage. Deux enfants naissent et agrandissent la famille.

Elle rêvait de voyages, de parcourir le monde, de rencontrer et de connaitre les populations. Dans les régions et les pays qu’elle a eu l’occasion de visiter pour son travail et ensuite en retraite, elle voyageait avec l’envie de découvrir l’autre et son espace. Sa curiosité, sa soif de connaissances mais aussi son besoin de comprendre trouvait tout son sens dans ces périples.

Elle se savait chanceuse de pouvoir découvrir toutes ces parties du monde.

Elle est décédée au début de l’année 2020, je suis heureuse d’avoir croisé son chemin et de lui avoir permis de laisser une trace écrite à ses descendants. Je la remercie pour ses moments de confiance partagée et de complicité positive. J’ai transmis à sa fille les enregistrements : sa voix, ses intonations, ses rires et ses soupirs sont gravés et le livre est imprimé. Elle a choisi le titre « une vie toute simple ».

Ce qui caractérisait Marianne, c’était sa générosité et son dynamisme : faire le pain, inviter ses amis pour le manger simplement, boire un verre, discuter, écouter. Elle avait alors un mot pour chacun. Elle avait l’énergie qui appelle la lumière. Elle était une femme qui partageait avec les autres l’humanité de sa foi.